par Sylvie Ferre
A chaque soirée du Festival 7A*11D, il y a foule. Toute sorte de public mais aussi beaucoup d’étudiants fortement impliqués, ce qui laisse entrevoir un bel avenir performatif, d’autant plus que ces jeunes sont de nationalités diverses, vont bouger et transmettre à leur tour ce qu’ils auront reçu. La relève assurée par les nouvelles générations est autant stimulante que précieuse.
Pour revenir aux performances, le festival offre une belle variété de style, une ouverture à un espace de liberté non cantonné dans un thématique restrictive où parfois rébarbative, voire redondante. Chaque artiste amène avec sa personnalité et sa culture, le résultat de ses recherches, sa sensibilité, ses centres d’intérêts.
Ainsi nous avons pu participer à une approche politique et philosophique de certains des artistes.
D’abord, l’Argentine Guadalupe Neves, qui, évoluant sous des poches de sang bleu, au son d’un texte trilingue fort éloquent, évoque la violence de son pays.
Denis Romanowski, quant à lui revendique une action collective intitulée “That’ s OK Manifesto”. Un manifeste créé par un groupe d’artistes et d’étudiants, qu’il distribue au public, de courtes déclarations originales qu’il ponctue d’un That’s OK ( avoir de l’argent et avoir faim; détester les musées et la rébellion; convaincre chacun de sa propre importance; être un génie;…). Il saute à la corde, criant chacun des textes mais s’il rate un tour, il doit recommencer dès le début. C’est épuisant, mais heureusement soutenu par l’assemblée, après quatre loupés, il réussira à enchaîner la vingtaine de phrases que chacun lui montre. On peut facilement imaginer que cette action puisse l’amener à tomber de fatigue, à perdre la voix. C’est le challenge, après tout. La chance sera avec lui ce soir là.
L’inventive et malicieuse Margaret Dragu, va nous emmener , elle aussi sur un terrain Agit Prop, avec une aKtion intitulée “Comment changer le monde” . En 45 mns environ, par groupe de 3 personnes, nous devons réaliser un court film sur un sujet choisi, qui sera visible sur internet. L’ambiance est dense dans la salle, il s’agit là d’un vrai travail de concentration et d’échanges, de désaccord parfois, de construction, et puis il faut passer à l’acte devant la caméra, malgré un laps de temps très court. Mais le résultat final sera certainement probant.
L’intensité et la violence de la jeune Polonaise Anna Kalwajtys nous surprendront. Munie de deux mégaphones au son des plus strident, elle tourne en rond dans la salle, répétant le mot “Superficial”, le visage et les bras teintés de rouge sang, elle s’ échappera dans la rue pieds nus, courant comme une dératée. Peu de personnes pourront la suivre dans sa course folle, mais elle laissera une impression inoubliable sur son passage, les gens en resteront éberlués. Certes!
Sur un tempo plus méditatif, nous assisterons à deux performances rythmées par une certaine longueur dans le temps.
Sylvie Cotton choisit l’intimité d’un cercle d’une vingtaine de personnes assises. Un moment de partage dense entre les actants. Le début est fascinant car l’intuitive Sylvie, après avoir inscrit au mur quelques données performatives, se lève, se place devant l’un d’eux, le détaille longuement, puis lui offre sa broche. Elle lui prend alors un objet personnel et passe au suivant. Cet échange se poursuivra tout le long du cercle. Mais à un moment donné, une participante lui prendra son backstage, elle en profite alors pour prendre son siège, et là, elle lâche prise et laisse faire. Sous son oeil amusé, cela continue. Ceci étant, pour ceux qui sont extérieur à l’action, cela paraît long, la non participation exclut de l’intensité du jeu. De beaux moments de complicité, de tendresse, de provocation émaneront cependant. Les objets récoltés finiront au centre du cercle, une installation prendra forme, qui évoluera lentement selon le désir de chacun.
Plus tard, un bruit de frottement lanscinant interpèle. Dans une salle, la jeune b. burroughs est en position de lotus au centre d’une boîte carrée en acier, mise en évidence par un projecteur. Elle alterne moment de méditation, polissage d’un carré de bois avec un papier abrasif au dos duquel elle aura pris soin de coller un texte évoquant un chapitre du livre “Zen mind, beginners mind”, où comment polir un bijou. Le public est invité à frotter avec elle. Parfois elle stoppe son action, chante doucement une jolie mélodie, penchée vers celui qui soutient son action. Dans une petite boîte carrée, une minuscule grenouille placée devant l’artiste est éclairée par une mini-lampe, elle donne une aura mystérieuse à cette très esthétique performance.
Dans un autre registre, la Québecoise Rachel Echenberg, explore l’enfermement de la femme coincée dans “sa petite maison dans la prairie”, une sorte de cage dorée dans laquelle elle s’ennuit fortement. De cette critique de la bourgeoisie Rachel n’omet aucun detail. Une maison transparente sur la tête, après avoir découpé son carré de verdure juste à la dimension de ses pieds dans un immense gazon, l’artiste prend soin d’imaginer les animaux environnants la demeure, dessine porte et fenêtres, allume une cigarette, la laisse se consumer nonchalamment, s’étouffant, pleurant bien sûr dans cet espace réduit, puis dans un geste ultime de lassitude gribouille au feutre les murs de sa solitude.
Les deux vidéos du vénérable Nobuo Kubota-San auront le succès mérité. La première fait référence à son travail d’architecte et combine à la fois ses expériences d’improvisation avec ses antécédents culturels personnels et son intérêt dans l’héritage japonais. La seconde, est une fulgurante et variée composition a 9 têtes, les siennes, les improvisations sonores, en boucle, décalées, constituent un choeur, une variation mélodique et harmonique. Le jeu des têtes, couplés au language donnent un résultat tout à fait jubilatoire.
L’Islando-Finlandais, Magnus Logi Kristinsson récite un long poème fait de titres de chansons mises bout à bout, certains collages donneront un ton humoristique à la narration.
Nopawan Sirivejkul de Thaîlande livre une belle performance. Tout en finesse, elle joue avec la force, allant chercher dans le public à tour de rôle les personnes pour créer un face à face intense et intime. Avec Paul Couillard, elle livre un subtil moment d’émotion, chacun ayant l’extrémité d’un fil rouge dans la bouche, au fur et à mesure du mastiquage, le fil diminue et le face à face rendu inévitable. Tout au long de son rituel, elle va alterner tension, émotion et moment de poésie.