par Sylvie Ferre
C’est un début prometteur pour le Festival 7A*11D, puisque , dans la même journée, il présente deux artistes considérés comme ses “éminences grises”.
L’une d’elle, la fameuse Margaret Dragu, danseuse de formation et performeure bien connue des milieux artistiques, entame les festivités avec un cours de yoga. Une heure durant, nous pourrons nous relaxer, nous concentrer sur la synchronisation entre respiration et étirement musculaire, profitant ainsi d’un moment propice à l’éveil du corps et de l’esprit. Ce cours sera suivi d’une performance interactive inspirée par John Cage, ou percera également l’influence d’Anna Halprin. Cette partition, dans l’idée du “just do it” sera interprétée par plusieurs participants, qui suivront scrupuleusement les indications données. En traçant tout d’abord un parcours aléatoire sur un papier, puis en suivant ce chemin qui sera jalonné de courtes actions, des dés jetés au hasard rythmeront le tempo de l’action. Il est vrai que les plasticiens ont largement inspiré la danse contemporaine. Ce jeu inventif par sa capacité d’improvisation et de renouvellement, offre à Margaret Dragu sans nul doute des contraintes stimulantes et prend la forme d’un ballet improvisé sous son oeil attentif et amusé.
La seconde éminence grise est en soirée. Il s’agit du vénérable poète sonore, musicien et architecte Nobuo Kubota. Son improvisation sera très free style. Il est l’un des virtuoses de l’utilisation du son en durée prolongée, avec lequel il explore les limites de la voix humaine.
Nul doute que pour tenir le challenge de jouer 30mns sans interruption, les quelques secondes qui séparent chaque morceau étant presque enchainé au suivant, il faut une certaine préparation mentale, une technique affirmée et un talent a la hauteur de l’enjeu. Nobuo Kuboto a tout cela, en plus d’une capacité à performer avec un engagement total et une sensibiliteé émouvante et profonde.
Le public est sous le charme d’une prestation originale et de haut niveau. Le résultat est probant et captivant et nous enchante avec un phrasé tout en ruptures et en renouvellements, alternant diverses tonalités évoquant parfois grondements ou chant diphonique, mantra ou eau ruissellante. Pendant toute la durée de sa performance, le public restera silencieux, attentif et concentré jusqu’a l’ultime silence qui suit la dernière note, juste avant l’éclat de l’ovation finale.
Les 2 Québécois, Carl Bouchard et Martin Dufrasne, liés ensemble, le cou enserré dans une planche de bois, comme pour se render au supplice du gibet, nous livrerons un règlement de comptes verbal tragico-comique des plus réussis. Une interprétation sacarstique de la fin d’un couple, allant des reproches au regret, se jettant à la figure 80 des phrases les plus mauvaises, choisies scrupuleusement, et que l’on peut se lancer dans un tel moment. Ils auront soin de prendre une distance intelligente en plaçant près de chacun d’eux, un souffleur et un traducteur pour la traduction anglaise. Cette mise en abîme théâtrale rend la situation encore plus cruelle et cocasse. Les performeurs touchent un point sensible forcément vécu chez chacun de nous. Pour compléter leur action, à chaque fin de phrase, ils activent un bilboquet à trois têtes de bouffons en terre cuite qui retombe lourdement sur leurs mains, comme une auto-punition.